Moutarde noire : engrais vert et condiment incontournable

Dans les champs comme dans l’assiette, la moutarde est une plante qui mérite amplement qu’on s’y intéresse. Que la graine soit blanche, noire, ou brune, on a l’habitude de voir les fleurs jaunes de la moutarde égayent nos paysages au printemps, les semis pouvant se réaliser d’août à septembre pour profiter d’un engrais vert en hiver. En revanche, cette plante se sème en avril-mai si le but est d’en utiliser les graines, récoltées après l’été.

La moutarde noire (Brassica nigra) se distingue des autres variétés par l’aspect de ses graines, plus petites et de couleur brune à noire, mais aussi par la taille de la plante, qui peut avoisiner les 2 m contre à peine plus d’1m pour la moutarde blanche.

Si cette plante est tellement plébiscitée, c’est surtout pour ses qualités de culture intermédiaire et d’engrais vert.

En effet, peu exigeante et résistante au froid, la moutarde se développe rapidement, limitant ainsi l’installation d’adventices après une culture, et protège le sol de l’érosion et de la fuite des nutriments, plus particulièrement de l’azote, lors des périodes de gel et de pluies hivernales.

De plus, sa racine pivotante, typique de la famille des brassicacées (choux, radis…), permet d’aérer le sol en le travaillant naturellement en profondeur. En revanche, il est crucial mettre en place une rotation des cultures, et d’alterner les espèces potagères : après une moutarde, une plante de la famille des brassicacées ne pourra être implantée au même endroit qu’au minimum 3 ans plus tard.

De cette manière, on diminue drastiquement les risques d’arrivée de parasites, et notamment de l’altise, un petit coléoptère qui perfore les feuilles et causent des dégâts notables. L’alternance de cultures permet aussi au sol de refaire des stocks de soufre et de potasse, éléments fortement consommés par les brassicacées. D’autre part, par son action allélopathique, la moutarde émet certes des composés qui ont un impact fongicide sur les champignons pathogènes pouvant se trouver sous terre, mais elle influe aussi sur les autres organismes, et peut, si les rotations ne sont pas appliquées, perturber la flore, la microflore, voire la faune du sol, garantes de l’équilibre du système.

Après avoir profité de tous ses avantages, la destruction du couvert juste avant la floraison et son incorporation en surface enrichit efficacement le sol et favorise la croissance des cultures à venir…

Mais ce n’est pas le seul intérêt de la moutarde !

Consommé mondialement, le condiment obtenu grâce aux graines permet de relever agréablement les plats. Et il est possible de le réaliser soi-même ! La célèbre couleur ocre du condiment peut laisser penser que seule la moutarde blanche, qui produit des graines jaunes, est utilisée. C’est effectivement le cas pour certaines préparations, mais à titre d’exemple, la moutarde de Dijon est fabriquée principalement à partir des graines de moutarde noire, plus piquantes que la variété blanche, et moins amère que les graines de la moutarde brune.

Pour transformer sa propre culture de moutarde en condiment, il faut dans un premier temps laisser les plantes faire leurs graines. Cela signifie aussi que la moutarde aura eu le temps de fleurir, et donc d’attirer pollinisateurs et butineurs en tout genre, acteurs de la biodiversité. La récolte a lieu en fin d’été, lorsque les « siliques » — les gousses dans lesquelles sont produites les semences – sont bien remplies, juste avant qu’elles n’atteignent leur maturité et ne virent au brun. Les tiges coupées sont mises à sécher à l’abri de la lumière, dans un lieu sec et ventilé. Une fois les tiges sèches, l’extraction des graines peut enfin avoir lieu : selon la quantité récoltée, les siliques sont battues au-dessus d’un tamis, ou ouvertes individuellement à la main (attention, tiges piquantes !).

Il est maintenant temps de préparer son propre condiment, qui ne nécessite que les basiques du placard.

Ingrédients pour environ 150gr de moutarde à l’ancienne :

– 30gr de graines de moutarde

– 30mL de vinaigre de cidre

– 50mL d’eau

– 20mL d’huile d’olive

– 20gr de farine

– 12gr de miel

– sel

– poivre noir

– 1 pincée de curcuma (facultative)

Recette :

Faire tremper les graines de moutarde au minimum 4 heures dans le vinaigre et l’eau.

Ajouter les autres ingrédients, et mixer finement au blender (par impulsion, pour ne pas faire chauffer la préparation et dénaturer la saveur piquante des graines).

Rectifier l’assaisonnement suivant vos goûts (sel, poivre, miel, vinaigre…).

Mettre en pot, et conserver au frais.

Remarque : Cette recette laisse le champ libre à nombre de variantes. Des épices (curry, cannelle, clou de girofle, gingembre…) et des herbes (estragon, herbes de Provence…) peuvent être incorporées. Des arômes de noix, apportées par un vinaigre ou une huile, feront particulièrement ressortir les saveurs des graines de moutarde.